Nous sommes début 2022 et nous venons présenter à une entreprise les résultats de son Bilan Carbone. Elle se situe dans une zone d’activité commerciale d’une métropole régionale.
L’étalement urbain a déjà fait son œuvre et le site se trouve éloigné du centre-ville et de ses transports en commun.
Un poste d’émission de gaz à effet de serre clignote rouge : les déplacements quotidiens entre le domicile et le lieu de travail des collaborateurs.
Réflexe 1 : les recettes classiques se bousculent dans ma tête (transports en commun, vélo, covoiturage…) mais je me garde bien d’en parler pour laisser se dérouler la discussion entre salariés. Spoiler : j’ai bien fait de me taire 🙂
Spontanément, Stéphanie*, une salariée de l’entreprise prend la parole à la lecture du résultat :
“Ah ben pour moi, c’est mort. J’habite en pleine campagne, à 35 kilomètres et il n’y a aucun transport en commun”.
Réflexe 2 : je pense immédiatement au véhicule électrique mais là encore, je me garde bien d’en parler cette fois-ci pour deux raisons :
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Je connais approximativement le salaire de Stéphanie (= le SMIC à quelques euros près) et je sais que lui soumettre cette idée serait complètement déconnecté de sa réalité concrète de quelqu’un qui n’a strictement aucune marge de manœuvre financière.
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Là encore, je préfère seulement faciliter la discussion et laisser émerger les idées par les principaux concernés… et ça ne manque pas d’arriver.
Stéphanie enchaîne :
“Ou sinon, vous me payez une Tesla, je veux bien moi !”
On profite de cette intervention pour discuter véhicule électrique, de son coût, des bornes de recharge, de l’autonomie…
Et puis la magie du brainstorming “libéré” opère, Eric* intervient et rebondit sur l’idée de Stéphanie :
“Et pourquoi on ne créerait pas une prime à la conversion portée par l’employeur pour aider les salariés à passer au véhicule électrique. Elle pourrait s’appliquer pour les salariés qui habitent à plus de 25 kilomètres par exemple ?”
La discussion se poursuit sur les avantages et inconvénients d’une telle idée. L’entreprise aurait un triple impact en une seule mesure :
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Un soutien sur le pouvoir d’achat en aidant l’achat du véhicule et en faisant baisser le coût du “carburant” par la suite.
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Un excellent moyen pour retenir les talents qui risqueraient de devoir partir compte tenu du coût croissant du trajet domicile-travail.
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Une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre sur le poste “déplacements”.
Plusieurs axes de la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) améliorés avec une seule idée.
La mesure est en cours de réflexion au siège avant un éventuel déploiement. Génial !
Le YakaFokon “classique” sur les mobilités alternatives n’était pas applicable dans ce cas précis. L’intelligence collective du groupe a permis de dépasser cette “contrainte” en faisant émerger une piste d’action pertinente et innovante.
Entendre directement les mots d’une salariée qui VEUT changer mais ne le PEUT pas invite au recul et à l’humilité sur ces problématiques de transition.
Si c’était si simple, on aurait déjà tous transitionné. Je ne connais personne qui fait des tours de SUV à plus de 2 euros le litre par plaisir d’émettre du CO2.
(* Les prénoms ont été modifiés)